MORAS



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



MORAS



MORAS (Morasium). - Ce bourg fait partie du canton du Grand-Serre ; il est à 10 kilomètres de cette dernière commune et à 56 de Valence. Il est traversé par la route départementale d'Andance à Rives. C'est la résidence d'une brigade de gendarmerie à cheval. Il y a six foires par an, des tanneries et des tuileries.
La commune se compose de plusieurs hameaux ; aussi la population agglomérée n'est-elle que d'environ 800 individus, tandis que la population éparse est de 3,253.
Moras est le lieu principal de la contrée appelée la Valloire, Vallis aurea. Son territoire abonde en grains, en fourrages et en fruits. C'est la partie la plus riche du département. Cette vallée forme un vaste bassin qui sépare près du Rhône les départemens de la Drome et de l'Isère. Le Rhône la borde à l'ouest, et de là elle s'étend à plus de 3 myriamètres à l'est, où des sources considérables sortent de la terre et forment une rivière. La plus abondante sort près de Mante, et arrose de vastes prairies divisées par des canaux bordés de saules, qui offrent au bourg de Moras une très belle perspective. Cette rivière a le nom de Veuze ; elle fait tourner des moulins à sa source, quoique coulant sur un sol peu incliné ; elle donne assez constamment la même quantité d'eau. Mais une chose remarquable, c'est que d'autres sources plus à l'est et au nord, dont la principale s'appelle Auron, varient dans leur volume à des intervalles plus ou moins longs, tellement que tantôt elles donnent beaucoup et forment une autre rivière qui se réunit à la Veuze, et que d'autres fois elles ne donnent absolument rien, et laissent le lit de la rivière d'Auron à sec. Ces eaux, d'une limpidité parfaite, semblent avoir toutes la même origine, à l'exception de celles de la Veuze.
Une petite source qu'on trouve à 4 kilomètres du Rhône, en montant du port de Champagne à Anneyron, indique par son volume, au printemps, celui qu'auront, pendant cette saison et en été, les autres sources de la Valloire. C'est pour les habitans un signe de mauvaise récolte quand elle est abondante.
Le sol de la vallée, qui, près du Rhône, n'est pour ainsi dire que sable et cailloux, change de nature en remontant à l'est, et ressemble à une espèce de vase noire dont la couche est d'une grande profondeur ; mais il est toujours assez graveleux à sa superficie pour que les eaux s'y perdent : elles reparaissent plus bas, et se perdent de nouveau presque entièrement avant d'arriver au Rhône.
Cette vallée basse, et dont l'inclinaison à l'ouest est insensible, est bordée par deux petites plaines plus élevées, comprises chacune entre le coteau et la plaine principale, dont elles sont séparées par des ruisseaux. Celui du midi, dans le département de la Drome, s'appelle Argentelle, et au nord, dans le département de l'Isère, il y en a deux en quelque sorte parallèles, la petite rivière de Doulon et celle de l'Ambre. La terre de ces deux plaines est beaucoup plus argileuse et plus fertile, mais toujours mêlée de ces cailloux qu'on trouve jusque sur les deux coteaux latéraux.
La commune d'Anneyron est dans une de ces plaines, sur le coteau du ruisseau d'Argentelle, à 5 kilomètres du Rhône.
Saint-Sorlin, hameau dépendant de Moras, est à 5 kilomètres plus loin, au bas et au nord de cette plaine, près des terrains plats et humides de la basse vallée.
Moras, à 3 kilomètres à l'est de Saint-Sorlin, se montre sur le penchant d'une colline isolée. Il est entouré de murailles avec plusieurs portes, et dominé par les ruines d'un ancien château-fort (1) (1) C'est ce château qui fut rasé par ordre de Louis XIII, en 1627. On y trouva trente-trois pièces de canon, avec beaucoup d'approvisionnemens de siége. Il était au centre d'un horizon visuel qui embrasse toute la Valloire et les montagnes de l'Isère, du Mont-Blanc, du Forez, de la Loire et de l'Ardèche..
En montant encore à l'est dans le département de la Drome, on passe de la plaine de la Sône à Lens-Lestang.
Ce sont ces communes, avec les hameaux d'Épinouze et de Saint-Rambert auprès du Rhône, et dans le département de l'Isère quelques-unes des cantons de Chanas et de Beaurepaire, qui forment la vallée.
Elles sont sujettes aux fièvres intermittentes, comme tous les pays marécageux ; elles y sont surtout sujettes quand les sources sont abondantes, et qu'on peut arroser les terres, parce que, lorsque les eaux se retirent ou diminuent, il s'exhale des miasmes putrides de ces marécages, où pourrissent une infinité de petits poissons et d'insectes. Ces fièvres n'effraient pas généralement. Elles attaquent principalement les pauvres, qui n'usent d'aucune précaution ; leur caractère apathique les rend indifférens, leur fait refuser les moyens de guérison ; ils vont, comme on dit, le ventre au soleil, endurer leurs accès, et, par une négligence funeste, laissent souvent dégénérer cet état fébrile en obstructions et en hydropisies.
Ces fièvres firent de si grands ravages à Moras en 1802 (2) (2) Il mourut 163 personnes dans l'espace de trois mois., la quantité de malades qui en furent frappés à la fois fut telle, que des habitations entières manquèrent de conducteurs pour abreuver leurs bestiaux, et que beaucoup d'habitans furent privés de secours et de médicamens. C'est l'usage irréfléchi où l'on était depuis long temps d'inonder les terres à blé immédiatement après la récolte, qui fut, dans cette année de grandes chaleurs, la cause première de ce fléau.
L'administration s'occupa des moyens de prévenir le retour d'une pareille calamité dans ce pays, d'ailleurs si favorisé de la nature ; elle prescrivit des mesures de police pour l'écoulement des eaux ; elle les fit exécuter, et depuis lors ces fièvres, devenues beaucoup plus rares, n'ont plus présenté aucun caractère endémique. On doit mettre également au nombre des causes qui ont concouru à faire cesser les fièvres de la Valloire l'usage du vin, devenu plus général dans cette localité, par suite des nombreuses plantations de vigne dont sont maintenant couverts les coteaux voisins.
On remarque dans la section de Saint-Sorlin le château de la Pérouse, appartenant à M. de Beaumont, le parc et la belle habitation de M. de Bernon.
Épinouze, un des hameaux de cette commune, avec église succursale, est l'ancienne Épaone, où se tint, en 517, ce concile célèbre convoqué et présidé par Saint Avit, archevêque de Vienne, dont il est parlé page 65 et suivantes. Dans des temps encore plus reculés, c'était, à cause de ses pâturages, un lieu consacré à Épone ou Hippone, déesse des chevaux, et c'est l'origine du nom qu'il porte encore aujourd'hui.

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